Marius Constant et le saxophone

Marius CONSTANT

 

 

Compositeur et chef d’orchestre né à Bucarest (Roumanie) en 1925 et mort à Paris en 2004.

Après des études de piano en Roumanie, il arrive en France en 1946 où il entre au CNSMD de Paris dans les classes de Tony Aubin, Nadia Boulanger, Olivier Messiaen et Arthur Honegger.

A partir de 1950 il s'intéresse à la musique électronique et devient membre du Groupe de recherche de musique concrète de Pierre Schaeffer

Il sera co-fondateur et directeur de France Musique (1953-1967), directeur musical des Ballets de Paris de Roland Petit (1956-1963), fondateur de l’ensemble Ars Nova (1963). En 1993, il est nommé membre de l’Institut de France (Académie des Beaux-arts) à la place d’Olivier Messiaen.

Au centre de la création de Marius Constant se tient une préoccupation, presque viscérale, pour la musique destinée à la scène (opéra et ballet). Autre part essentielle de l’art de Marius Constant : son œuvre d’orchestre. Le compositeur y déploya une science qui lui valut d’être reconnu comme un maître du timbre et de la couleur, et d’enseigner l’orchestration et l’instrumentation au Conservatoire national supérieur de musique de Paris entre 1978 et 1988, ainsi que la composition dans diverses institutions américaines et européennes. Sa musique refuse tout sérialisme intégral au profit de l’expression et toutes ses recherches tendent à l’élargissement des limites de la matière sonore. Dans ses œuvres de musique de chambre, le tempérament dramatique de Marius Constant se structure autour de trames narratives ; la percussion et une vigoureuse écriture rythmique y sont alors prépondérantes. Jusqu’à son dernier souffle en 2004, Marius Constant a toujours agi en «honnête curieux ». Préférant le risque à l’ennui, il multiplia les expériences : l’électro-acoustique mixte, la musique avec bande magnétique, des nomenclatures paradoxales, des instruments rares en musique classique (guitare électrique, accordéon ou orgue de barbarie), le jazz, la spatialisation des sources sonores et l’écriture aléatoire.

 

La personnalité et la démarche artistique de Marius Constant sont parfaitement illustrées par cette phrase de Cioran qu’il aime citer régulièrement : "Celui qui parle au nom des autres est toujours un imposteur. Politiques, réformateurs et tous ceux qui se réclament d’un prétexte collectif sont des tricheurs. Il n’y a que l’artiste dont le mensonge ne soit pas total, car il n’invente que soi".

 

Musique de Concert pour saxophone Alto et orchestre

1954   (dédiée à Marcel Mule)    ​​​​     Editions Leduc

(Fl, Hb, Bn, Tpt, Hn, Tbn, piano, vibraphone, batterie, Vl, Vlc, Cb)

 

  • Toccata

  • Aria

  • Intermezzo

  • Variazoni

  • Ostinato    ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​​​      (Total 9 à 10mn)

 

 

Pièce écrite pour le concours du CNSMD de Paris en 1954.

Il est à noter que l’ordre de la version avec piano est différente, l’Ostinato (V) se plaçant après l’Aria.

 

 

 

Toccata : Comme le prélude et la fantaisie, la Toccata (de toccare : toucher) est une pièce essentiellement instrumentale mais particulièrement destinée au clavier (orgue, clavecin ou piano). La Toccata remplace souvent le Prélude comme pièce liminaire (ex.T. et Fugue de J.S.Bach). Elle n’a pas de structure précise et est de caractère improvisatoire et virtuose. La T. moderne, généralement écrite en valeurs courtes, apparaît comme une pièce de caractère brillant au rythme permanent.

 

Aria : Au sens large, l’Air ou Aria est une grande mélodie vocale (ou instrumentale) qui trouve sa place dans tout ouvrage lyrique (opéra, cantate, oratorio). Dans la suite, L’A. est une pièce mélodique qui, par opposition aux autres mouvements, n’a pas de caractère de musique de danse.

 

Intermezzo  (Intermède) : A l’origine, c’est une pièce instrumentale intercalée entre les actes (ex. de l’opéra) ou les mouvements d’une pièce instrumentale. C’est comme un entracte. Au XIXème, l’I. désigne une pièce musicale de caractère.

 

Variazoni : C’est une forme ou procédé ou les 2. Varier un thème, c’est le transformer sans en altérer l’essentiel, soit en l’ornant, soit en le transcendant, soit en donnant l’avantage aux dessins secondaires qui l’accompagnent. En tant que forme, la V. en englobe d’autres (canzone, chacone, choral, passacaille). En tant que procédé, on la retrouve dans toutes les structures (ou presque).

 

Ostinato : C’est un procédé consistant à répéter obstinément une formule (rythmique, mélodique ou harmonique) durant tout un morceau. Quand c’est à la basse, on parle de basse obstinée. Chacone, Passacaille et Ground sont construits avec ce procédé.

 

Conseils et traditions

 

Toccata : Mesure 3

Le crescendo retardé sur le dernier temps de la mesure pour se projeter sur le forte qui suit.

 

 

Aria : attention au tempo (pas trop lent et sans traîner)

 

Ostinato :

 

Erreurs d’éditions 

 

Variazoni

4ème mesure de 24

 

 

 

 

 

 

6ème mesure de 25

 

 

Etonnant

 

A la fin de sa vie, M.C. considérait que Musique de Concert n’était pas « digne d’intérêt » par rapport à ses compositions postérieures… pourtant l’orchestration reste ciselée et magnifique et la partie de saxophone extrêmement bien écrite (et délicate).

 

 

 

 

 

     ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​​​ 1ères pages du manuscrit de la Toccata

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Concertante pour saxophone alto et orchestre ​​ 

 

1978  (commande de ​​ International Saxophone Contest)

(2Fl.2Hb.2Cl.1Bn – 2Hn.2Tpt.1Tbn. –2perc, 1hp – Cordes)

 

I) Raga

II) Tempo di Cake–Walk

III) Passacaglia       (Total 16mn)

 

 

M.C. a écrit : « Ma difficulté pour écrire une œuvre pour l'instrument d'Adolphe Sax a été, paradoxalement, ses trop grandes possibilités: c'est l'instrument caméléon; avec les cuivres, il prend le timbre de cuivre, se marie à merveille avec la famille des bois et se fond, sans effort, à l'intérieur des cordes. Avec cela, une grande tessiture, une agilité diabolique et une variété énorme de vibratos, d'attaques et de sons percutants.

 


1) RAGA: Sur une apparente immobilité harmonique le saxophone évolue à l'intérieur d'une cellule pentatonique. Les instruments accompagnateurs ont deux rôles: créer des ombres autour du soliste et, en reprenant des fragments du thème, réaliser une réverbération naturelle. M.C.

Le râga signifie attirance, couleur, teinte ou passion. C’est essentiellement un ensemble de règles indiennes sur la manière de construire une mélodie. Il spécifie les règles des mouvements ascendants et descendants, la gamme, les notes à utiliser librement et celles à utiliser avec parcimonie, les notes qui doivent être chantées, les phrasés préconisés ou à éviter, etc. Tout ceci donne un cadre utilisable pour composer ou improviser des mélodies, autorisant un nombre infini de variations basées sur un ensemble de notes prédéfini. Toutes les notes ne sont pas égales dans un mode. Le râga insiste particulièrement sur l'une des notes, dénommée vadi. La seconde note la plus importante est appelée samvadi. On parle d'anuvadi pour les autres notes du mode et de vivadi pour les notes ne faisant pas parties du mode. Toutefois l'interprétation des râgas évolue au cours du temps, de sorte que les vadis ou samvadis utilisés en pratique peuvent être différents de ceux qui sont définis dans la théorie.

Enfin, le râga comporte souvent un motif caractéristique qui permet au connaisseur de le reconnaître facilement. Ce motif s'appelle pakad et comporte souvent diverses ornementations.

2) CAKE-WALK: Par contraste, un mouvement de dérision organisée. Le discours clownesque du saxophone est traité en Fugue et en Choral. A un critique qui me taxait de frivolité, je ferais mienne de la définition d'un grand philosophe (Cioran) qui dit: "Personne n'atteint d'emblée la frivolité. C'est un privilège et un art; c'est la recherche du superficiel chez ceux qui s'étant avisés de l'impossibilité de toute certitude, en ont conçu le dégoût..." M.C.

 

Le cake-walk ou cake walk est une danse populaire née parmi les Noirs de Virginie. Apparu vers 1870, il fut importé en Europe vers 1900 via le music-hall. Le rythme du cake-walk fut repris par le ragtime. Dans le sud des États-Unis, les esclaves disposaient de rares moments de détente. Le dimanche, ils profitaient parfois de l'absence des maîtres pour faire vivre ce qui leur restait de tradition africaine. Ces moments si rares comptaient beaucoup pour eux. Parfois, les colons conciliants assistaient à ces rendez-vous et récompensaient les meilleurs danseurs par un gâteau, d'où le nom de cake-walk (« marche du gâteau ») donné à ce type de danse syncopée, en forme de marche.

3) PASSACAGLIA: Toujours Cioran: "La Musique est la folie du silence". M.C.

La passacaille (on trouve aussi le nom italien passacaglia ), est initialement une danse populaire d'origine espagnole qui remonte à la Renaissance. Transplantée dans d'autres pays d'Europe, elle y devient une danse prisée par la noblesse. C'est alors une pièce de grandes proportions, à trois temps, lente et solennelle, basée sur la répétition et la variation d'un thème avec basse obstinée. Le mot passacaglia vient des mots espagnols ou italiens passa et calle. En effet, la passacaille apparaît dans les bateaux où les marins, pour oublier l'effort, chantaient les mêmes notes en litanie. Arrivés au port ils échangeaient leurs chants avec les autres marins d'où le nom passacalle et ensuite passacaille.

C’est au XVIIème et XVIIIème qu’elle prend toute son importance en tant que forme et se ​​ construit selon trois procédés qui peuvent se combiner :

  • le rondeau (un refrain répété entre des couplets variés) ;

  • la variation mélodique ou rythmique ;

  • la basse obstinée (motif thématique répété à la basse qui peut parfois passer aux voix supérieures dans la passacaille).

La passacaille (comme la chaconne) est utilisée de façon occasionnelle dans la suite de danses, dont elle est presque toujours la pièce finale. Elle est également souvent utilisée, en France, comme morceau final des pièces lyriques importantes : tragédies lyriques, opéras-ballets. ​​ 

Durant le XXe siècle, la passacaille est à nouveau abondamment employée (comme dans Wozzeck d’Alban Berg)

 

 

 

 

 

Sources

 

*) Dictionnaire de la musique Honegger (Bordas)

 

*) Catalogue Salabert

 

*) Dictionnaire de la musique Roland de Candé (Seuil)

 

*) Les Formes de la Musique -Que sais-je ? (PUF)

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